AFRO-AMÉRICAINE (CULTURE)

AFRO-AMÉRICAINE (CULTURE)

AFRO-AMÉRICAINE CULTURE

Expression commode pour désigner un ensemble d’éléments culturels (tels que la musique, la danse, les pratiques religieuses, l’organisation familiale) dans lesquels, notamment pour les États-Unis, les anthropologues s’accordent à reconnaître les indices d’une culture noire ayant gardé, en dépit de la transplantation, sa spécificité. Pour M. J. Herskovits, cette culture aurait un caractère fondamentalement africain: selon lui, c’est à travers son héritage ethnique que la communauté noire aurait «réinterprété» l’Occident et se serait ajustée à son nouveau milieu et à ses nouvelles conditions de vie. Ainsi, le caractère matrifocal et élargi de la famille noire américaine reproduirait certains aspects de l’ancienne relation clanique. Pour J. G. Frazer, au contraire, rien ne subsisterait de l’ancienne culture africaine: en ce qui concerne la structure familiale, le rôle privilégié de la mère ou la fréquence des unions libres seraient simplement une conséquence directe de la situation socio-économique des Noirs américains.

En réalité, la période de l’esclavage semble avoir détruit les liens ethniques d’autrefois en même temps que les anciens modèles culturels. Si, dans certaines communautés rurales du Sud, se perpétuent encore des cultes religieux ou des manifestations folkloriques qui portent l’empreinte des pratiques ancestrales, on peut dire que, en particulier dans le nouveau milieu urbain, les contenus explicites de la culture noire africaine ont disparu plus ou moins rapidement. Mais cela n’est pas vrai des schèmes ou des structures, des attitudes mentales ou corporelles. Comme le dit D. Guérin, le Noir a dû endosser l’uniforme américain (langue, mœurs, institutions juridiques, politiques et religieuses), mais il le porte à sa manière. De son côté, J. L. Dillard a récemment insisté sur les différences linguistiques qui séparent le black english de l’anglais courant de la société blanche; il a surtout montré les similitudes qui existent, notamment sur le plan syntaxique, entre le premier et certaines variétés de l’anglais pidgin parlé en Afrique occidentale, dans des régions d’où étaient venus les anciens esclaves. Par ailleurs, LeRoi Jones a retrouvé une origine africaine dans certains traits de la musique et des chants nègres (blues, jazz), dont le plus remarquable est la part faite aux éléments rythmiques par rapport à l’harmonie et à la mélodie. Mais il note que cette musique s’est progressivement transformée en devenant l’expression des conditions psychologiques et sociales que les Noirs ont connues depuis leur arrivée aux États-Unis.

L’acculturation à laquelle a été soumise la minorité noire a eu pour résultat l’apparition d’une nouvelle culture nègre, originale à la fois par rapport à l’Afrique et par rapport à l’Amérique blanche. L’influence de l’environnement, en effet, n’a pas abouti à une assimilation pure et simple: la ségrégation a constitué les ghettos noirs des villes en une société à part, avec ses institutions et ses propres normes de conduite. Dans Les Amériques noires , R. Bastide souligne la spécificité des rapports sociaux (relations entre les sexes, relations familiales, communautaires) qui existent dans ces ghettos, où «le communal l’emporte sur le domestique, le public sur le privé, et les temps forts comme celui des fêtes sur les temps faibles de l’existence quotidienne». La primauté des relations sociales de voisinage, de travail ou de loisir sur les relations matrimoniales explique, en particulier, la prolifération des associations. D’autre part, les nombreuses Églises noires jouent un rôle essentiel au sein de la communauté où la religion, marquée par le syncrétisme et le prophétisme, semble répondre à des besoins psychologiques fondamentaux.

Il convient de noter cependant que la classe moyenne noire, qui jouit d’une situation économique et d’un niveau d’instruction privilégiés, tend à renier les divers aspects de la culture négro-américaine pour modeler son comportement sur celui de la classe moyenne blanche.

Encyclopédie Universelle. 2012.